Emmanuelle Piquet invitée, demain dans le cadre d’“Ensemble contre le harcèlement scolaire”

Elle se bat contre les idées reçues et veut aider les enfants à se défendre seuls. La psychopraticienne, Emmanuelle Piquet est fondatrice de Chagrin Scolaire, des centres de consultations dédiés aux souffrances scolaires (à Mâcon, Lyon, Nantes, Paris), dans lesquels elle reçoit 1.000 enfants victimes par an. Elle est l'auteur de Te laisse pas faire et Je me défends du harcèlement (Éditions Payot et Albin Michel). Elle y rappelle les codes des cours de récré : les problèmes se règlent d'abord entre enfants. Et incite les parents à ne pas surprotéger leur enfant, mais à leur donner la capacité de faire face.

Le centre social de La Charité travaille notamment sur le cyber harcèlement. Rencontrez-vous de plus en plus de cas ? Oui, au collège, surtout en fin de scolarité. Ce harcèlement peut prendre la forme de SMS ou de photos sur des réseaux sociaux comme Snapchat. Certains amoureux éconduits se vengent avec des photos dénudées de leurs anciennes copines. Mais il ne faut pas se tromper de combat. Le média change, mais c'est le même phénomène, qu'il se produise dans la cour ou sur internet. Sur les réseaux sociaux, ça nous fait super peur car cela nous échappe, à nous, parents, mais la nature du problème est la même. Il s'agit de l'interaction entre un enfant et un autre.

Comme faire face à cette nouvelle forme de harcèlement ? Les enfants harceleurs et harcelés se montrent très créatifs sur les réseaux sociaux. L'Éducation nationale travaille avec l'enfant harceleur. Nous, on préfère outiller l'enfant harcelé. Par exemple, une jeune collégienne se faisait traiter de Zlatan, sur internet, et dans sa classe. C'était très violent, pour elle. Nous lui avons conseillé de changer la photo de son profil facebook. Elle a mis une photo de la marionnette de Zlatan. Une façon de dire : "J'adore, ça me fait bien rire". Ça les a calmés, ce n'est plus intéressant quand la personne ne se débat plus.

L'humour et l'autodérision constituent donc les meilleures armes ? Oui, ça marche super bien. Après, chaque cas est particulier. On s'adapte à la personnalité du harcelé et du harceleur.

Est-ce que le harcèlement commence de plus en plus tôt ? Oui. En crèche, on observe des cas de morsure d'un même enfant, toujours sur le même enfant. C'est déjà une façon d'asseoir son pouvoir sur un autre. Mais cela commence plutôt à partir du CM1 et c'est au collège que le harcèlement reste le plus fort. ll ne faut surtout pas être un sans-ami fixe, sous peine d'être marginalisé. Au lycée, la compassion prend le dessus sur le syndrome de popularité.

Selon vous, il n'existe pas de profil type d'enfant harcelé ? Non, on reçoit des enfants sans aspérité physique ni intellectuelle. Parce qu'on est tous vulnérables, à un moment ou un autre. Les enfants ont un radar reptilien pour le voir

Des clips vidéo, comme ceux réalisés par les jeunes charitois, est-ce un bon moyen de sensibiliser ? C'est hyper intéressant qu'on en parle dans les classes. Le sujet reste très tabou. Mais il y a trop peu de gens formés pour aider les personnes harcelées. Un diplôme universitaire destiné aux Bac + 3 a ouvert en septembre à Djon. Il forme vingt CPE, infirmières et psychologues scolaires. C'est un début. Notre combat, c'est d'obtenir un référent par académie.

Le harcèlement scolaire a-t-il des conséquences sur le long terme ? Oui. D'après des études anglosaxonnes, un enfant harcelé souffrira davantage de maladies chroniques, aura plus de mal à trouver un job, à se mettre en couple. Du moins, ceux qui ne seront pas sortis par eux-mêmes de cette situation. Ce n'est pas parce que la sonnerie du lycée ne sonne plus que le harcèlement s'arrête. L'entreprise, ce n'est pas un lieu très sympa C'est pour ça que l'enfant doit puiser dans ses propres ressources, se défendre par lui-même, dès le plus jeune âge.

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